

UNE INTERVIEW AVEC CAROLYNE
Journaliste:
Carolyne, qui êtes-vous ? Une grande artiste,
une femme fatale, une femme-enfant, une fille perdue ?
Carolyne:
A votre question, je réponds, pourquoi vouloir me définir ?
Parce que je suis de sexe féminin ? Poseriez-vous la même
question à un homme ?
N'ayez crainte, je ne vous répondrai pas par une question .
Je suis. J'essaie d'être moi. Etre moi, être femme.
Journaliste:
Alors qu'est-ce qu'être femme pour vous ?
Carolyne:
Être femme, pour moi c'est tenter d'être en fonction de moi et non pas en fonction de l'homme, pour prendre la place qu'il veut bien m'accorder. Être femme, c'est m'offrir la porosité de l'ondulation. Accepter l'inconstance. La constance de l'inconstance. C'est comme être dans la mer et accepter le mouvement des vagues et leur irrégularité.
La mer ne se définit peu ou prou, à mes yeux, il en est de même pour la femme.
Journaliste:
Parlez-nous de vous alors ?
Carolyne:
Je vois, vous n'allez pas me laisser tranquille. Je vous préviens je suis joueuse, vous encourrez des risques !
Je suis forte et fragile, aérienne surtout. J'aime me soustraire à la gravité, mais elle me rattrape toujours. C'est un combat, qui m'enivre, me fait dériver et perdre le sens des choses.
Parfois je me contente d'être là. Mais il y a Maurice et ses attentes. Alors parfois ça dérape. Entre nous, c'est tout ou rien, au milieu je suis perdue.
Journaliste:
Qu'est-ce qui vous meut ?
Carolyne:
Les vaches !
Journaliste:
Je vois, autrement dit, quelles sont vos passions ? Qu'est-ce qui vous pousse sur scène ?
Carolyne:
Chanter, me planter dans le sol, comme une chêne centenaire et ouvrir les vannes, chanter avec le cœur. C'est un des seuls moments où mes racines de plante aérienne effleurent le sol et en puisent l'énergie.
Danser, sortir l'émotion par la chair, le tendon, les organes.
Voir la vie accrochée à une main ou la tête en bas.
Et aussi...… p.12
Journaliste:
Et aussi.... quoi ?
Carolyne:
C'est un peu intime et peu assumé. Ma passion secrète, c'est le Music-Hall. Les robes à paillettes , à fentes. A l'origine, je cherchai à me lancer et me frayer une voie, une voix dans le music-hall, devenir une grande artiste, à l'instar de Liza Minelli....
Et puis j'ai rencontré Maurice
Il a aimé me voir danser, chanter et me tortiller dans les airs . Il m'a dit fais moi confiance, je vais faire dé toi ouné grandé estar !
Journaliste:
Et ?
Carolyne:
Et bien je l'ai suivi. Avec ses yeux mouillants il m'a fait flancher. Même si j'avais des doutes, et pour causes.
Depuis nous faisons tourner un cabaret. C'est le combat permanent. Nous ne sommes jamais d'accord. Il a ses exigences, ses idées. Je devrais m'exécuter et être sa marionnette, mais je ne me laisse pas faire.
Journaliste:
Parlez-nous de Maurice? Qui est-il pour vous?
Carolyne:
Un pov' type! Un amour, un tyran, un homme perdu, une éponge, une autorité non autoritaire? Je l'aime. Je le trouve ridicule. Je le trouve touchant. Il m'exaspère, il me fait rire. Il m'impressionne. Il parle trop, il dérape et pendant ce temps, j'en profite pour briller, en fond de scène, quand il ne me voit pas, qu'il s'est perdu dans ses élucubrations.
En bref, Maurice, j'en fais ce que j'en veux.
Mais s'il trouve ma faille, c'est lui qui gagne...
Journaliste:
Quelle est votre faille?
Carolyne:
Qui êtes-vous ? la Gestapo des émotions?
C'est chronique l'indiscrétion chez vous. C'est une déformation professionnelle, non ?
Ma faille ce sont les hommes, je ne souhaite pas en dire plus, si ce n'est qu'ils ont trop de pouvoir sur moi. Ils peuvent me manipuler, j'ai peur de leur pouvoir. Je ne connais pas la demi-mesure pour leur faire face. Je perds ou je gagne, au milieu je suis perdue.
Journaliste:
A quoi jouez-vous?
Carolyne:
A votre jeu, à celui des autres. Rarement au mien.
Mon jeu serait celui de l'instant présent. Être là, ici et maintenant.
